Mon cher Salomon,
La Communauté entière te rend hommage ce soir à Paris, en présence de ta famille et de tes amis. « À titre posthume », est-il précisé. À titre posthume ?
Comment évoquer Chevreuil au passé ?
Je ne peux pas m'y résoudre et je suis sûr que tu me comprends. Je ne suis pas sûr en revanche que tu acceptes de plein gré les honneurs qui te sont rendus ici, cette cérémonie étant dédiée à ta vie d' engagement communautaire et à ton œuvre inoubliable.
Tu as toujours voulu en effet agir dans l’ombre et la discrétion, évoluer avec modestie et humilité, rester loin des lumières et des médailles. Cette fois-ci pourtant, une fois n’est pas coutume, tu n’as pas ton mot à dire !
Alors, écoute-moi et permets-moi de parler non pas de ce que tu as fait, mais de ce que tu es. M’autorises-tu à dire que tu es UNIQUE parmi nous ?
Nous ? Les professionnels qui avaient suivi et accompagné Lynclair en 1962-1963 du Maroc en France pour y transplanter et créer le DEJJ.
Nous, et notamment notre grande Rikki, ta complice de toujours, qui reçoit aujourd’hui le Prix Gaston Tenoudji pour sa vie et son existence consacrées, comme toi et avec toi ,à l'éducation informelle.
Tu es UNIQUE...
Parce qu’au-delà des capacités professionnelles et du dévouement à la Communauté de tous tes compagnons d’aventure, tu es le seul à cumuler et fédérer sur toi autant d’adjectifs et de louanges admiratifs : Homme rarissime, aimé de tous.
Exemple vivant d’éducateur et du militant juif.
Comportement « Hassidique » &
Éthique irréprochable.
Personnalité hors normes, à la stature impressionnante.
Un être invincible au regard serein.
Un leader au calme olympien, sidérant de self-control.
Un chef apaisant dans la tourmente. Un conseiller qui vous guide dans la bonne direction...
Tu es UNIQUE...
Parce que tu as le don d’inspirer le respect, aussi bien à tes amis et partenaires qu’a tes contradicteurs, Sous ton charme ravageur et ton air nonchalant, quelle volonté, quelle détermination.
Quel sacré bonhomme ! Sourire et humour sont tes armes de persuasion. Tu en uses, en abuses parfois. Toujours à bon escient.
Tu es UNIQUE...
Parce que, tout naturellement, tu te donnes entièrement à autrui sans jamais rechercher ou attendre contrepartie et reconnaissance. C'est inné. C’est en toi. C’est ta marque de fabrique. Tu es un concentré de douceur et de gentillesse, d’écoute attentive et de disponibilité permanente, d'aide et de soutien efficaces. Pour tes proches comme pour ceux que tu ne connais pas.
Tues UNIQUE...
Parce que tu saisis et devances les demandes, les désirs non formulés... Le « non » ne fait pas partie de ton vocabulaire de cœur. Tu devines les pensées de ton interlocuteur, tu pressens sa réaction, tu adaptes ta réponse, tu anticipes l’impact de ton intervention sur ton vis-à-vis afin qu'elle soit perçue positivement. Tu fais toujours ce que tu penses devoir faire. C’est ta règle de conduite. Et tu t'y conformes.
Tu es UNIQUE...
Ceux qui t’entourent aussi. Toute famille aurait été perturbée par un mari, un père, un grand-père qui donne tant aux autres... Pas la tienne. Au contraire, tous et toutes se sont identifiés à ta vocation et ta mission. Elles sont devenues les leurs. Ils les ont épousées, souvent amplifiées. Encore une de tes réussites, et non la moindre.
En citer d'autres ? Pas question. Je t’ai promis de ne pas trop te faire rougir.
J’ai lu sur un document que m’ont adressé nos amis Esther et Salomon Abitbol lors du décès en Israël de leur fils Emmanuel, que Manitou disait : « La mort est la tragédie de la vie ». La perte de Chevreuil est une tragédie pour Berthe, pour Michaël, Ariel, Laurence et Karen, pour leurs conjoints, pour Rachel. Une épreuve
terrible pour tes petits-enfants.
La perte de Chevreuil est une tragédie pour moi. C’est mon ami, mon confident, mon frère. Il est courant de dire après un événement marquant qu'il y a eu un avant et un après. Je n’ai ni honte ni gène à affirmer qu’il y a dorénavant pour moi un « avant Chevreuil » et un « après ».
Mon monde intérieur a changé. Mon optimisme naturel en a pris pour son grade.
Mon quotidien s‘en trouve parfois affecté, Et le soleil de Nice ne brille plus comme avant. Tu nous manques Salomon. Tu me manques. Tu seras toujours en mon cœur,
Et lorsque viendra pour moi le moment de te rejoindre là-haut, je suis persuadé que I ’ascension sera plus aisée car je sais que je vais t’'y retrouver.
Chalom Salomon.
Chalom Chevreuil.
Repose en paix.
Bélier – Haïm BENLOLO